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Rengade, Claire

A chaque étage
on voit la mer

2009

vendredi 22 mai 2009

Petite mythologie à dire tout fort
pour comédiens et marionnettes

Pitch et Tiote sont frère et sœur. Ils partent dans la vie comme en voyage, avec un but de héros : trouver maman. Ils s’inventent à mesure les décors de leur quête, qui va les mener à devenir plus grands. C’est bruyant comme un rêve et intrépide comme un coeur gros.

Ecrit du point de vue des enfants, ce texte se frotte naturellement à l’absurde et à la poésie.


« Fil du texte
Il y a Pitch comme Pitchounet et Tiote comme Petiote.
Deux enfants, de l’âge qu’il vous plaira.
Ils partent dans la vie comme en voyage, avec un but de héros : trouver maman.
Parce que maman n’est pas là, on dit qu’elle est morte.
Comme ça on est grand et on va aller la chercher dans la mort.
La mort c’est peut-être sous terre dans un ventre de volcan, enfin un trou avec des monstres, en tous cas des bêtes. Et puis aussi des loups s’il fait noir.
Mais la mort c’est peut-être qu’on va jusqu’au ciel, quand on remonte du trou.
Et qu’on dit qu’il faut se décarcasser pour qu’il soit bleu.

Dans une géographie à l’échelle enfantine (où tout est important-grand comme ça), A chaque étage on voit la mer est un voyage-bestiaire du point de vue de l’enfant, qui se frotte naturellement à l’absurde et à la poésie avec grâce. Il s’agit de répondre sans détour à ce qui lui échappe.
Tiote et Pitch s’inventent à mesure les décors de leur quête, qui mine de rien les mènent à plus devenir plus grands.
C’est bruyant comme un rêve et intrépide comme un coeur gros.
Quand ils retrouvent maman, ce n’est déjà plus elle qu’ils cherchent.

Ecriture
Je cherche dans l’oralité, la parole à vif, la force représentative des mots qu’on invente en jouant. Des mots déjà incarnés.
J’ai écrit ce texte du point de vue des enfants, en essayant de me rappeler que, comme n’importe quel adulte, je suis un enfant déguisé.
Mes textes ne sont pas dans l’ordre, la vie non plus.
J’écris en rond, on entre dans mes textes comme on plonge dans un bain, en se laissant porter par la voix. Ce n’est pas construit à la ligne, mais à l’image.
Je n’écris pas la ponctuation, parce que l’oral se ponctue ailleurs. Ce n’est pas une coquetterie.
C’est un texte à dire à plusieurs corps dans un réel sans réalisme.
Ici, quand on dit, on est. »
CR

A chaque étage on voit la mer est le premier texte Jeune public de Claire Rengade.

1

nuit en grain de lune
du rond et du vide
Tiote dit
toute la place

TIOTE
tu peux regarder toute la vie parce que c’est joli
regarde
maman a dit
c’est un grain de beauté
moi aussi j’ai des beautés sur ma jambe oh regarde
mon beauté qui part
les beautés ça part
et il veut trouver sa maman mais il y arrive pas
il est sur un chemin où on peut pas trouver
eh
s’il fait tout noir on remet le blanc en peinture
c’est joli hein
c’est plus joli hein c’est plus joli la vie
je veux pas être morte je veux pas être toute cassée
quand on est mort on devient du sable
j’en ai donné à manger à l’aspirateur
l’aspirateur il aime tout
je voudrais aller dans la lune pour m’asseoir
je vais me tenir
d’abord c’est toute ronde tu verras on discutera
toi aussi
on discutera en même temps

du vide sous les pieds

PITCH
je vois une fois j’ai fait un rêve où je volais mais
c’est pas sûr
il faut être fort
tu sautes et tu bouges les bras en même temps

TIOTE
très vite

PITCH
t’y arrives pas j’ai essayé faut sauter très haut

TIOTE
regarde la lune est en train de se préparer en ronde
la paupière c’est la maison du point
quand elle baille c’est tout un bestiaire qui sort de sa bouche

faudra me montrer comment descendre
tu vas me porter
j’arrive pas à descendre de la lune moi j’arrive pas

PITCH
je suis le maître du cirque je vais faire la bouche qui sourit
pas comme le clown quand même
après j’écrirai ce que j’ai sur mon tee-shirt comme ça
le même tee-shirt ça fera
je suis le maître du cirque moi
et avec toi aussi
toi t’es derrière le chapiteau alors on te voit pas mais t’es la dame du cirque
en fait je fais pas pareil que sur mon tee-shirt
juste je fais les petits trucs
je fais les mains et les bras
t’as vu là je lance mon bras en l’air et là il fait comme ça je fais comme ça
elles sont à ma taille mes chaussures t’as vu
c’est facile à faire c’est juste comme ça
les dessins on fait comme on veut
les balles tu sais pourquoi elles sont juste au plafond du chapiteau
c’est parce qu’on est en train d’y jouer
si tu veux je peux te faire un manège cette fois-ci je prends beaucoup de couleurs
toutes les couleurs mélangées ça fait du chorignon
chanson des couleurs mélangées
des chorignons j’en mange pas beaucoup
j’en mange pas à chacun par jour
j’en mange après demain des chorignons
j’en mange chaque
à un par jour
dans trois jours j’en mange des chorignons
ou dans quatre jours ou dans cinq jours
on pourra en acheter demain des chorignons
juste en bas
non demain c’est dimanche on pourra
aller ailleurs alors

TIOTE
arrête de prendre mon répété
la maman est morte là c’est le cimetière
là il pleure en larmes après
je fais les larmes de la maman qu’est morte
en fait elle pleure pas la maman
en fait là
elle est dans le trou

2

nuit de trous
du plein et du vide
plein de trous vides

LES PETITES DAMES DE PITCH
on commence à creuser un trou profond là il est très profond
sous terre y’a des escaliers
à chaque étage on voit la mer
on voit tous les monstres qui existaient autrefois
à chaque étage on voit une mer différente
après on va trouver le trésor qui est au premier étage
dans des escaliers qui sont sous la terre et comme ils sont en glace
on va glisser le long de la corde comme ça
le trésor caché en dessous la terre
et c’est le trésor du monde entier
et après on va aller tout en bas
et tout en bas y’a un volcan qui est endormi
on va le faire réveiller
on va l’éclater pour faire exploser la terre
on va aller arrêter l’explosion je veux dire
on fait plein de sable pour se protéger
on fait du sable doux pour se protéger
on va rester toute la journée dessous

TIOTE
mais tu sais que les volcans c’est des gens
on peut les réveiller

PITCH
là ils dorment

TIOTE
mais on peut les réveiller

PITCH
s’il est couché il est mort
les volcans qui sont morts ils sont tombés là ils sont tombés

TIOTE
s’il est debout y’a qu’à dire qu’il est vivant
s’il tombe parce qu’il dort debout
là le haut il est resté accroché y’a qu’à dire qu’il dort
peut-être que la première fois il sera allumé
parce que des fois l’avion il passe devant le volcan
on sait pas s’il est éteint ou allumé
après le volcan il devient tout rouge il explose
mais un avion devant un volcan ça c’est très dangereux après l’avion il brûle
tu sais que si jamais on va pas l’éteindre
il faut qu’on aille vite tu sais
il faut qu’on aille vite parce qu’après ça fait exploser toute la terre tous les pays
après la terre elle va être en miettes
si on va pas vite elle va être en miettes
si y’a du feu dans toute la terre ça fait la terre en miettes
elle se troue en débris et ça fait mal en fait

PITCH
moi je vois pas comment les arrêter

TIOTE
je connais rien sur les volcans
mais le volcan il est pas très loin de nous
oh tu comprends pas
on joue à Dieu
moi je joue à Dieu


Distinctions

Pièce sélectionnée par LABO 07, comité de lecture international de théâtre jeune public, composé notamment d’ANETH, du Centre culturel Suédois, de la Maison Antoine Vitez-Centre international de la traduction théâtrale, de la SACD, du Théâtre de l’Est Parisien, du Théâtre de la Tête noire à Saran.


Pièce sélectionnée par ANETH, carnet de lecture n°14.


Pièce sélectionnée pour le Prix Godot 2010 avec cinq autres textes, prix organisé par le Panta théâtre en direction de collégiens et lycéens de Basse-Normandie, remis en avril.

Extraits de presse

« Avec finesse, simplicité et jubilation, Claire Rengade réalise un joli travail et offre une bulle pleine de charme et de fraîcheur....

C’est un texte pour enfants très beau, poétique et sans enfantillage sur le thème de choses graves comme la mort et sans tabou.

Il s’agit d’une sorte de mélange de grands mythes (Orphée aux enfers), de contes de fées (le loup qui se justifie), de texte un peu mystique (les quatre éléments, les quatre saisons) La formule de Claire Rengade - petite mythologie à dire tout fort - résume assez bien ce qu’est le texte. »

[Comité de lecture du Panta Théâtre, mars 2009]


« Vraie langue poétique, onirique, morcelée. »

[Comité de lecture du Théâtre Jeune Public de Strasbourg, février 2010]


« A chaque étage on voit la mer attend la compagnie d’acteurs et de marionnettistes qui donnera à cette parole enfantine sa dimension visuelle, onirique et fourmillante. »

[Annie Quenet, Griffon, n°218, septembre-octobre 2009]


« Le périple de Pitch et Tiote, parsemé de rencontres (avec le loup, la fée, ou encore « plein d’enfants »), les mène à la recherche de leur mère.
L’originalité des dialogues doit beaucoup à la façon dont le langage enfantin subvertit sans relâche la syntaxe et le lexique et à la manière dont les deux enfants s’approprient et commentent le réel par le biais de leur débordante imagination. Les niveaux de lecture satisfont autant le lecteur adulte que les plus jeunes et cette aventure ludique, spontanément poétique, est une réussite.

À noter, cette nouvelle collection jeunesse des Éditions Espaces 34, initiative qui mérite d’être soulignée. Elle propose des textes de qualité, à l’égal des autres collections de la maison. »

[Blandine Longre, Le Revue des livres pour enfants, février 2010]

Vie du texte

Lecture par Claire Rengade lors du Salon du théâtre, place Saint-Sulpice, le 23 mai 2009, à l’occasion de la parution du livre.

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