Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.
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Mâme Pluche. - Vous parlez à votre poisson rouge... Oh ! je vous comprends, madame Sissé, c’est si affectueux ces petites bêtes. On s’y attache, et elles s’attachent à vous. Ça devient comme de grandes personnes et c’est finalement moins gênant. Avec eux, il faut bien le dire, on n’a rien à craindre dans le genre vacheries. Tandis que les hommes !...
Madame Sissé, gravement. - Ça dépend, mâme Pluche, ça dépend...
Mâme Pluche. - Il y a des exceptions, je sais bien...
Madame Sissé, se levant comme pour une déclaration historique. - Mon mari s’appelait Arthur, et c’était un homme de bien. Il m’a passionnément aimée. Je l’ai passionnément aimé. Notre amour a rayonné sur le monde. C’est rare, croyez-moi, mâme Pluche, un grand amour. Ça mérite qu’on en parle dans les journaux. Nous, on n’en a pas parlé, et on a eu tort. Ce n’était pas comme aujourd’hui où les foules évoluées exigent à tout instant de connaître les dessous de cartes et le bonheur des princesses.
Mâme Pluche. - Ah ! c’est bien vrai ce que vous dites là , madame Sissé, c’est bien le signe de notre temps que ce plaisir qu’on a quand on peut connaître dans le détail le bonheur des cartes et les dessous des princesses.
Madame Sissé. - Dieu sait ce que le monde a perdu de ne pas avoir pu revivre le récit de ce grand amour. J’ai aimé, mâme Pluche, je peux le dire. Et ce n’est pas donné Ã tout un chacun.
Mâme Pluche, avec un soupir en vague de fond. - Ça a dà » être dur cette séparation.
Madame Sissé. - ... Séparation ? Qui parle de séparation ? Rien ne saurait nous séparer. L’amour est plus fort que la mort. (Avec un index doctoral.) Arthur vit au-delà même du tombeau !
Mâme Pluche, s’approchant d’elle. - Que dites-vous là , madame Sissé ?
Madame Sissé, se penchant vers elle, et à voix plus basse. - Il ne faut pas le dire, les gens sont si mauvais... (Un temps avec regards en coulisse.) Arthur n’est plus là , mais il ne cesse de me contempler, comme jadis, au temps où il avait le bonheur de vivre auprès de moi dans cette loge.
Mâme Pluche. - Comment cela, madame Sissé ?
Madame Sissé, du menton elle désigne le guéridon. - Il est là , mâme Pluche, il est là .
Mâme Pluche, regardant sous le guéridon. - Où çà ?
Madame Sissé. - Là , vous dis-je...
Mâme Pluche. - ... derrière le bocal ?
Madame Sissé, comme s’il s’agissait d’une aveuglante évidence. - Non !... dedans.
« Il y a là quelque chose de rare, d’enjoué, de profond, une imagination, une fantaisie et une gravité aussi, qui font de ce texte une pièce très personnelle et attachante. »
[Le Quotidien du Médecin, 4 novembre 1998]
« C’est un poète. Un homme qui a toujours traduit en mots ses émotions. Bonheur d’être au monde, angoisses existentielles : Max Rouquette n’appartient pas à la mode. Son œuvre s’enracine profondément dans une terre et n’en est que plus universelle (...).
Cet esprit hypersensible connaît les secrets des cœurs comme ceux du ciel étoilé : romans, nouvelles, poèmes, pièces de théâtre, son œuvre est immense. La plupart de ses textes ont été traduits en français, le plus souvent par ses propres soins.
Aux États-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, au Portugal, en Pologne, en Hongrie, il est depuis longtemps traduit et publié, et le Japon travaille actuellement à une édition de ses œuvres : dans ces pays, Max Rouquette est considéré comme l’un des très grands écrivains français d’aujourd’hui. Mais qui le connaît vraiment dans son propre pays ?
Il sait, et n’en conçoit aucune amertume, que l’on traite avec condescendance, sinon mépris, la littérature du pays d’oc, pourtant riche d’écrivains qui ont, en français également, un style, une ambition : Robert Lafont, Bernard Manciet, Roland Pécout, pour n’en citer que quelques-uns (...).
Le Glossaire qui semble avoir été écrit très récemment, qui est si plein de vérité, de justesse dans la farce, est, comme les autres textes de Max Rouquette, hanté par une inquiétude, une angoisse (...). »
[Armelle Héliot, Le Figaro, 6 novembre 1998]
« On dirait qu’il s’amuse à pasticher les auteurs de l’absurde, qui étaient tant à la mode à la fin des années 50. C’est un poème à jouer à la manière de Jean Tardieu ; les ressorts de la comédie sont dans le langage, dans les clignements, les oeillades que la langue se fait à elle-même. »
[Frédéric Ferney, Le Figaro/L’Aurore, 13 novembre 1998]
Lecture-spectacle dirigée par Vincent Boussard, au Théâtre du Vieux-Colombier (Comédie-Française), 7 février 1998.
Création au Studio-théâtre de la Comédie-Française dans une mise en scène de Vincent Boussard, du 9 novembre au 26 décembre 1998.
Création par la compagnie L’écharpe blanche au théâtre du casino de Beaucaire (30) en novembre 2005.
La pièce est jouée depuis régulièrement par la compagnie.