Éditions Espaces 34

Théâtre du XVIIIe siècle

Essais et pièces rendant compte de la grande variété de formes du théâtre du XVIIIe siècle

Médée, un monstre sur scène : réécritures parodiques du mythe 1727-1749

    (Ouvrage collectif), Isabelle Degauque

ISBN : 2-84705-051-5
EAN : 9782847050516
15x23 cm, 432 p., 26 €
Index des airs employés, partitions des parodies Médée et Jason (Biancolelli, Riccoboni et Romagnesi) et Thésée (Favart, Laujon et Parvi).

Ouvrage publié avec le soutien de l’équipe TLI de l’Université de Nantes, de la Région Pays de la Loire et du Centre national du livre

2009

Sous la direction d’Isabelle Degauque.

Ce volume comprend les seules parodies complètes d’opéras et de tragédies au XVIIIè siècle - identifiées à ce jour - autour du mythe de Médée ainsi que le livret de l’opéra Médée et Jason de Pellegrin.

Il prend pour textes-cibles :

 l’opéra Thésée, livret de Quinault et musique de Lully, disponible à L’Avant-scène opéra, donné trois fois ces dernières années en France et aux Etats-Unis ;

 la tragédie Médée de Longepierre, en cinq actes et en vers, éditée chez Champion ;

 l’opéra Médée et Jason, livret de Pellegrin, musique de Salomon ; le livret est édité dans ce volume par Benjamin Pintiaux, spécialiste de Pellegrin, aucune publication n’ayant été réalisée depuis le XVIIIè siècle (en 1991, la publication de la musique est accompagné d’un fac-similé de l’édition de 1736).


SOMMAIRE

Préface par Isabelle Degauque.

Deux parodies de Thésée, livret de Quinault, musique de Lully

Arlequin Thésée de Valois d’Orville, Comédie-Italienne, janvier 1745.
Notice : Pauline Beaucé

Thésée par Favart, Laujon et Parvi, Foire Saint-Germain, février 1745.
Notice : Aude Rabillon

Une parodie de Médée, tragédie de Longepierre (1694)

La Méchante Femme, de Pierre-François Biancolleli, dit Dominique et Riccoboni, Comédie-Italienne, octobre 1728. Notice : Isabelle Degauque

Opéra Médée et Jason, livret de Pellegrin, musique de Salomon.
Notice de Benjamin Pintiaux

Trois parodies de Médée et Jason de Pellegrin, Salomon

Médée et Jason de Pierre-François Biancolleli, dit Dominique, Riccoboni et Romagnesi, Comédie-Italienne, mai 1727. Notice : Isabelle Degauque

Médée et Jason de Carolet et Romagnesi, Comédie-Italienne, décembre 1736.
Notice : Isabelle Degauque

La Femme jalouse ou le Mauvais Ménage de Valois d’Orville, Opéra-Comique de la Foire Saint-Germain, février 1749.
Notice : Pauline Beaucé

Différentes annexes
Un appendice musical, par Loïc Chahine, reproduit l’intégralité des airs, sauf les quelques uns non identifiés, des parodies Médée et Jason (Biancolelli, Riccoboni et Romagnesi) de 1727 et Thésée (Favart, Laujon et Parvi) de 1745.


Le geste stupéfiant de Médée frappe les imaginations et fascine aussi bien qu’il écœure les dramaturges du XVIIIe siècle. La magicienne de Colchide représente une aberration pour la Nature et se hisse par son geste au rang de « monstre », c’est-à-dire de prodige.
Si l’épouse bafouée reçoit de la compassion, la mère criminelle, elle, reste le plus souvent étrangère aux dramaturges des Lumières, et certains auteurs vont s’efforcer de préparer le crime de Médée par des signes avant-coureurs. Restituer le cheminement des pensées de l’héroïne est un moyen d’atténuer, s’il se peut, l’abomination de son geste.
Quant à l’infanticide, rares sont les auteurs qui s’aventurent à la fin du XVIIe siècle ou au XVIIIe siècle à le mettre directement en scène. L’allusif prévaut sur le monstrueux, par respect des bienséances. En outre, l’absence de sanction morale heurte le sens de la justice tout autant que le crime lui-même. Médée mérite-t-elle d’être punie ?
Comme le souligne Jacques Ricot dans son Étude sur l’humain et l’inhumain, le scelus nefas de Médée bafoue les lois divines et ne peut à ce titre être expié. Il relève des crimes irréparables dont le dommage « dépasse les individus et le groupe social concernés pour atteindre l’humain dans sa construction symbolique elle-même ». Dans la tragédie de Longepierre (1694), encore jouée avec succès au XVIIIe siècle, Médée marque cette rupture en s’envolant à bord de son char, laissant Jason à ses douleurs terrestres, et Pellegrin imagine pareil dénouement pour son opéra Médée et Jason (1713), sur une musique de Salomon.

Écho de la réception théâtrale au XVIIIe siècle, les parodies dramatiques accompagnent les réécritures successives du mythe de Médée. Ainsi, inscrit pendant près d’un siècle au répertoire de l’Académie Royale de Musique. l’opéra de Lully et Quinault (Thésée, 1675) fait l’objet de deux parodies dramatiques lors de sa reprise en 1745, l’une jouée à la Comédie-Italienne en janvier 1745 (Arlequin Thésée de Valois d’Orville), l’autre à la Foire Saint-Germain en février 1745 (Parodie de Thésée par Favart, Parvi et Laujon).
La version de Longepierre (1694) est elle aussi régulièrement donnée au XVIIIe siècle et reçoit un accueil triomphal grâce à Mlle Clairon dans le rôle-titre. Carle Vanloo l’immortalise dans un tableau commandé par une amie de la comédienne, la princesse Galitzine : ce portrait de la Clairon est devenu célèbre grâce au commentaire qu’en a fait Diderot dans le Salon de 1759. Le 23 octobre 1728, Biancolelli et Riccoboni proposent au public de la Comédie-Italienne une parodie au titre programmatique : La Méchante Femme : la pièce coïncide avec la reprise, le 25 septembre 1728, de la Médée de Longepierre où triomphe Mlle Balicourt, élève de Mlle Desmares et cousine des Quinault.
Enfin, l’opéra de Pellegrin, sur une musique de Salomon (Médée et Jason, 1713) est parodiée pas moins de trois fois : la Comédie-Italienne donne en mai 1727 Médée et Jason de Biancolelli, Riccoboni et Romagnesi, et en décembre 1736 une parodie du même titre attribuée à Carolet, « raccommodée par Romagnesi, qui [selon Gueullette] y remit beaucoup de couplets de la première parodie » ; quant à l’Opéra-Comique de la Foire Saint-Germain, il programme en février 1749 La Femme jalouse, ou le Mauvais Ménage de Valois d’Orville.

Isabelle Degauque


Extraits de presse

« Avec Médée, Isabelle Degauque étudie le traitement d’un monstre qui toujours gêna et fascina à la fois, par le caractère atroce, antinaturel de l’infanticide. (…)

Ce mythe fait peur, les parodies le désamorcent, d’abord en rendant Jason ridicule. (…) Médée avait toujours été créée sous le signe de l’exotisme et de la sorcellerie : sa sorcellerie, de terrifiante, va devenir familière et comique, en faisant appel à des représentations populaires de la sorcière : avec ses attributs (balai, baguette magique), Médée n’est plus qu’une sorcière de village.
Ce qui ne l’empêche pas de remettre en jeu le dispositif du théâtre même ; elle devient dramaturge et reine des illusions théâtrales, dont elle exhibe les mécanismes et dénonce la magie.
C’est un des intérêts de la parodie de suggérer un théâtre dans le théâtre. »

[Béatrice Didier, Europe, janvier-février 2010]

« Le travail éditorial est ici de grande qualité…
Un ouvrage du plus grand intérêt, susceptible de fournir une excellente base documentaire pour une réflexion, dans le cadre par exemple d’un séminaire d’étudiants avancés, tant sur l’histoire des « théâtres secondaires » que sur le genre de la parodie d’opéra et de tragédie, mais aussi d’ouvrir de nombreuses pistes de recherche aux historiens confirmés des théâtres et aux musicologues. »
[Notes de lecture, Revue XVIIIe siècle, n°42, 2010]

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