Éditions Espaces 34

Théâtre contemporain

Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.

L’homme brûlé

ISBN : 978-2-84705-155-1
EAN : 9782847051551

13x21cm, 144 p., 16 €
Publié avec le soutien du Centre national du livre, et de la Région Normandie, de la Drac et du Centre national du livre au titre du FADEL Normandie
2 hommes, 3 femmes, chœur

2017

Anton vit avec Léna, sa femme, institutrice, et Boris, son fils, étudiant, dans le Petit Village, à quelques kilomètres de la Grande Ville. Boris sort avec Alice, la fille de Madame la Maire, une amie de Léna. Ils font partie de la classe moyenne d’Europe occidentale, pourvue de biens et de travail.

Quand, devant la maison d’Anton, un lotissement se construit, lui coupant la vue sur le paysage vallonné, Anton sent son univers basculé. Il observe ceux qui s’installent – des étrangers semble-t-il. Sa femme cherche à organiser un voyage scolaire à Auschwitz, Boris et Alice à organiser un Ciné-Drive et lui, Anton, craint un licenciement. Incidemment, il se laisse séduire par les discours d’extrême droite et, comme investi d’une mission, se présente avec le soutien de son parti aux élections municipales face à Madame la Maire…

La pièce démonte les mécanismes insidieux qui peu à peu amènent un individu à faire siennes des idées extrémistes et racistes. Elle dénonce les abandons successifs des pouvoirs en place, des lâchetés et des égoïsmes quotidiens. Et s’interroge : de quelles armes disposons-nous pour lutter contre ces discours et ces dérives ?

Extrait de presse

« Pour la première fois, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, 90 députés de l’AFD (alternative pour l’Allemagne) font leur entrée au Bundestag. Ce parti récent, d’abord anti-Europe, s’est affirmé peu à peu comme hostile aux entrées de migrants sur le territoire fédéral, à la suite de la politique « ouverte » de la Chancelière, réaffirmant aussi des valeurs « germaniques ».

D’une certaine manière, la pièce de Christophe Tostain, L’homme brûlé, témoigne du climat mortifère qui s’étend sur le Vieux Continent et des électorats favorables au rejet des « étrangers ». En ce domaine, il s’agit non seulement du cas allemand mais aussi des politiques menées en Hongrie, en Pologne ou de la percée d’organisations proches du néo-nazisme comme Aube dorée en Grèce.

Les personnages de la pièce d’ailleurs ont des prénoms qui ne s’inscrivent pas dans un seul territoire onomastique : la famille avec le père Anton, son épouse Léna, et leur fils Boris pourraient être russes tandis que l’amoureuse de Boris s’appelle Alice. Nous sommes seulement quelque part en Europe, dans un « Petit village » relié par autocar à « une Grande Ville », parfois les personnages entre eux usent de mots anglais pour s’adresser à l’autre : « mother, Johnnie ».

En revanche, l’auteur définit sa pièce comme une forme classique : il la construit en cinq actes à la manière des grandes tragédies ; il met en place un chœur (…) Enfin, il crée Zeus, chef de file d’un groupe d’extrême droite qui, sans être une incarnation scénique, endosse un rôle essentiel dans la pièce d’abord en tant que recruteur du père de famille, Anton, et à la fin en tant qu’ange exterminateur. (…)

En vérité, la fable antique de l’enlèvement d’Europe agit comme un miroir poétique au réel contemporain et à sa représentation dans l’écriture dramatique. (…)

Tout ceci relève de la violence du sexe et du pouvoir. Dans la pièce, le personnage de Zeus en quelque sorte kidnappe idéologiquement Anton déjà fragile en homme middle class et amateur de foot, qui à son tour entraînera la jeune Alice dans son sillage, faisant d’elle une alliée zélée à la mairie. (…)

L’auteur réinvestit à la fois l’abjection des lois anti-juives durant l’Occupation avec leurs imbéciles impératifs de plus en plus contraignants et toute une rhétorique xénophobe détournant par exemple l’injure « melons » en « pastèques », évoquant les odeurs, le bruit de ceux « qui ne sont pas d’ici nationalement parlant », afin de « délocaliser la vermine ». (…)

En fin de compte, c’est peut-être le personnage de Léna, l’institutrice, mère de Boris et épouse d’Anton, qui seule reste digne jusqu’à la solitude et la folie, dans la pièce. Léna, la petite-fille d’un juif déporté à Auschwitz qui se raccroche à la lettre de cet homme. Une lettre contre tous les discours. Le récit contre les dialogues. Vains.

L’homme brûlé est en somme une traversée tragique dans la nuit de L’Europe, dans la nuit de la parole dévoyée. »

[Marie Du Crest, La Cause littéraire, 18 octobre 2017]


« Le propos est limpide. Et l’histoire est servie par une écriture précise, rapide, efficace, chirurgicale même, tant le propos fait penser à l’évolution d’une maladie grave dont le pronostic ne peut être que la mort. Et le choix final proposé est sans ambiguïté : fuir ou mourir.

La pièce de Christophe Tostain est plutôt noire, même si l’auteur est aussi capable d’humour et de poésie. Cinq parties, cinq actes pour disséquer la mainmise de l’extrême droite sur un petit village quelque part en Europe. N’importe où. Peut-être chez nous. Pour en comprendre les mécanismes et pointer les lâchetés successives, les intérêts particuliers, et les aveuglements qui aboutissent à l’horreur finale. (…)

Zeus, Europe, le Taureau blanc, les références à la mythologie sont claires dans l’évocation de ces personnages. Comme si le combat qui va se dérouler dans le Petit Village était inscrit de toute éternité dans l’histoire humaine. Comme s’il était encore nécessaire de rappeler que la vigilance et la résistance ne doivent jamais se relâcher.

Ce combat, c’est le retour de la bête immonde dirait Bertolt Brecht. Une bête secrétée par le corps social lui-même, par la peur et la détestation de l’autre, une bête qui surgit quand le père de Boris s’aperçoit que parmi les nouveaux arrivants du lotissement se trouvent des étrangers. (…)

Les titres donnés par l’auteur aux différentes parties de son texte sont éclairants : « symptômes », « diagnostics », « métastases », « phase terminale », « incinération ». Nous sommes bien en présence d’une tumeur, d’un dérèglement du corps social, d’une prolifération cellulaire qui finit par contaminer et par étouffer tout le monde, ceux qui adhèrent aux idées, ceux qui font semblants de ne pas voir les conséquences, ceux qui sont dépassés par les événements et ceux dont l’impuissance paralyse l’intelligence.

L’écriture de Christophe Tostain suit le drame : elle passe de la chronique pittoresque d’un petit village à une démesure ubuesque où le village frappé de folie assiste à la mise à mort d’un étranger transformé en torche vivante. La langue raconte autant que les faits.

Et nous voyons évoluer tout doucement les cinq personnages, chacun pris dans sa logique personnelle, tandis qu’un chœur antique apporte les précisions nécessaires, nous prend à témoin et achève le propos par un terrible constat : Vieille Europe, les siècles ont crevé tes yeux. »

[Patrick Gay-Bellile, Le Matricule des Anges, n°189, janvier 2018]


« Il y a donc, dans la pièce de Christophe Tostain, le cancer de la xénophobie, sa fatale dynamique, et le drame de l’oubli de l’histoire.

(…) la filiation s’est perdue et l’on comprend alors que le fils et la fille, qui sont amants, aillent « voir au cimetière si on trouve nos parents ». D’une certaine manière, la pièce est bâtie sur deux mouvements inverses mais contemporains, l’un de diffusion d’un discours de haine et de mort, l’autre de disparition du dialogue entre les générations. (…)

Le plus grand mérite [du texte] est de montrer qu’à force d’oubli de l’histoire, qu’à force d’appauvrissement de la mémoire, un homme, un peuple, peuvent devenir les jouets d’une « politique » aussi haineuse que stupide, si stupide qu’elle en serait drôle si elle n’était pas en même temps, justement, haineuse et mortelle pour ceux qui en sont victimes.

L’auteur le montre très bien par le crescendo des arrêtés municipaux édictés par le nouveau maire d’extrême-droite qui frappent les pastèques du village d’interdictions, en lettres capitales, toujours plus larges et plus ridicules (…)

L’homme brûlé, c’est l’autre, voisin mais étranger. C’est le prochain que l’on ne veut pas voir, c’est le prochain que l’on ne veut pas être. »

[Frédéric Dieu, Profession-spectacle, 10 janvier 2018]


« Le dramaturge braque ses vers libres comme autant de projecteurs sur l’actuelle récidive raciste au sein même des classes moyennes blanches européennes, aisées et éduquées ; »

[L’Avant-scène Théâtre, n°1443, 1er juin 2018]

Le texte à l’étranger

Traduction en anglais par Lisa Beckett, université de Queens à Belfast, 2018.

Vie du texte

Création dans une mise en scène de Christophe Tostain avec Delphine Dupin, Malika Labrume, Kévin Lelannier, François Xavier Malingre, Elisabeth Tual, au Théâtre de l’Archipel à Granville (50), puis au Théâtre de Lisieux le 3 mars 2017.

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