Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.
als das Kind Kind war,
lorsque l’enfant était enfant
ging es mit hängenden Armen,
il marchait les bras ballants
wollte der Bach sei ein Fluß,
voulait que le ruisseau soit rivière
der Fluß sei ein Strom,
que la rivière soit fleuve
und diese Pfütze das Meer.
et cette flaque la mer
als das Kind Kind ist
lorsque l’enfant est enfant
weißt es nicht, daß es Kind ist,
il ignore qu’il est enfant
alles ist ihm beseelt
pour lui tout a une âme
und alle Seelen sind eins
et toutes les âmes sont une
lorsque l’enfant est enfant
chaque réveil lève un voile
chaque voile une source
lorsque l’enfant est enfant
les songes affà »tent l’aube alors
lorsque l’enfant est enfant il arrive qu’un matin sous ses paupières fermes les images en toutes lettres délient les phrases des rêves les dispersent en silence et rompent avec le sommeil alors
alors l’enfant ouvre les yeux et sans voir encore - il n’a pas de passé - se dresse dans la nuit claire pantin d’espoir et d’os s’anime gauchement sous le fil des étoiles se lève contre l’obscurité et le regard transparent armé de cécité s’engage sur le chemin en apprenant la marche
et l’enfant s’approche des corps de ses frères tremblant hisse une jambe lourde par dessus les formes tremblant les observe dans l’ombre leurs chemises des linceuls sur des crêtes d’os tremblant les détaille leurs visages des cantiques leur peau un éclat de lune tremblante par dessus le silence nacré des lèvres l’enfant souffle tremblante la jambe au dessus des corps balance comme un couperet il hésite incertaine et tremblante la jambe engourdie décompte les chocs bruyants du cœur tremblante oscille au rythme de l’arythmie sanguine l’enfant au souffle suspendu hésite il regrette son geste presque de s’être levé presque d’avoir hissé la jambe alors il jette tremblant un regard par la fenêtre tremblant cherche dans la pâleur nocturne un signe pour continuer un souffle pour avancer puis soutenu par la brise par l’épaule du vent il redresse le dos chasse les picotements de nuque puis sentant fuir la nuit il arrime son souffle à l’espoir frais de l’aube et immobile sans bouger en un ultime effort lance sa jambe lourde par dessus les corps blancs par delà les collines des deux frères immobiles et retombe harassé comme un soupir froid entre les paillasses grises sur la terre de leur chambre
et l’enfant lentement marche vers la sortie lentement sans un bruit vers l’embrasure de porte sans regard ni regret vers les corps assoupis vers les collines blanches et pétries de rêves il lève les poings au ciel qu’il brandit comme un dard fend les voilages rouges à l’entrée de la chambre passe lentement la tête entre les lèvres soyeuses et faufile son corps et se bande et s’extrait
hors la chambre d’enfants
hors le refuge chaud
hors l’approbation muette des rêves de ses frères alors
alors seulement l’enfant inspire l’air du couloir la respiration rauque il inspire à pleine gorge ouvre grand la bouche l’enfle de l’air nocturne desserre l’étau des poings qu’il libère en corolles et rugit en silence et hurle l’enfant prince et hurle le cri muet le cri de l’insouciance le cri démultiplié des mille premières fois alors
alors l’enfant souriant la poitrine triomphante se calme peu à peu et lentement détremble lentement désaccade l’arythmie de son cœur à l’orée du couloir il évalue la peine lentement ouvre ses mains qu’il impose aux murs et guidé de la sorte par ses éclaireurs souples dompte l’obscurité par une caresse aveugle et se défait des peurs à la lueur des doigts
Pièce sélectionnée dans le Carnet de lecture n°14 d’Aneth.
Pièce finaliste du Grand Prix de littérature dramatique 2010.
Pièce sélectionnée pour circuler dans le Réseau Eurodram en vue de traductions, mars 2014.
« (...) Le texte s’ouvre par le poème de Peter Handke Lied Vom Kindsein (le Chant de l’enfance) - celui qui donne une tessiture si particulière aux Ailes du désir de Wim Wenders - et s’inscrit ainsi résolument dans une veine poétique. Il est écrit d’un seul souffle, sans ponctuation, pour être proféré, comme un chant, une transe, avec ses silences et sa durée. Les mots deviennent alors matière et sont sculptés, taillés, étirés, tordus, bousculés. Ils ont une existence propre sur le papier et en prennent une autre dans leur oralité. Les nombreux prénoms de toutes provenances évoqués dans le récit, comme autant de figures du témoin, y sont barrés, comme si graphiquement il s’agissait de s’interroger pour savoir si on a affaire à des morts ou à des vivants.
(...)
Le premier enjeu, celui de la langue, absolument étonnante dans ses explorations, ses répétitions, ses fragmentations, ses étirements, ses contractions, est emporté haut la main. Â »
[Marina Da Silva, Le Monde diplomatique, 30 juin 2009]
« la prose d’orfèvre de Philippe Malone(...)
langue musicale et hautement poétique(...)
un attentat poétique à la guerre et un mémorial littéraire rendu aux innocents  »
[Anne Leray, France Culture, 19 janvier 2009]
« Une écriture lumineuse pour dire ces pays otages de la violence, une ode à Sveta et aux victimes de la guerre, à savoir, la beauté, l’avenir et la justice.
Un long poème qui fait surgir le sens par la langue mais aussi par les formes d’écriture : différentes graphies, majuscules, minuscules, mots rayés...
Ce texte à la fois lyrique et concret, au-delà de son propos sur la guerre et les rapports Occident Orient, fait du théâtre, l’espace de la dignité, lui redonne sa valeur première : une parole poétique politique.  »
[Mireille Davidovici, Aneth, avril 2009]
« texte magnifique (...) Le texte de Malone, dur et doux à la fois, ne décrit pas les corps déchiquetés mais nous fait ressentir l’absence des proches. Il n’accuse personne mais, évoquant les dégâts causés par les bombardements, il souligne l’anéantissement de la beauté, celui aussi de la justice et de l’avenir...  »
[Mireille Picard, Midi-Libre, 27 janvier 2009]
« fulgurant et splendide texte (...) Dentelle de mots tranchants, le verbe chaotique entrechoque les syllabes et leurs sonorités pour prendre le pouls agonisant d’une ville éventrée...  »
[Anne Leray, L’Hérault du jour, 23 janvier 2009]
« L’histoire ne se situe pas en Tchétchénie, ni en Irak, ni au Liban, ni en Palestine, ni en Amérique... Toutes les précautions ont été prises pour éviter d’entendre cette pièce sous le prisme d’un seul conflit. C’est un chant du cœur, qui a pour but de les embrasser tous...  »
[12 Mag, janvier 2009]
« Septembres est un long poème, sans point, ni virgule. Une seule longue phrase pour décrire un processus de déshumanisation, pour tenter de cerner ce qui fait qu’un enfant bascule dans le terrorisme.
Le principe de la phrase unique nous pousse à envisager l’histoire comme un tout, une globalité, plutôt qu’une succession de faits. Cette vision holistique permet à l’auteur d’aborder son sujet sous un biais humain, émotionnel, dépouillé de l’aspect documentaire. La grande force de l’oeuvre de Malone est justement de réussir à replacer l’Homme, à la fois victime et bourreau, dans un contexte beaucoup plus vaste, politique, économique. Pas d’angélisme, ni de diabolisation, mais une manière d’aborder le sujet de manière profondément humaine.
Autant dire que ça fait mouche, et pour peu qu’on accepte de se laisser porter par ce fil, ce flot, ce mouvement, on en ressort bouleversé. La voix douce de Malone flageole parfois, bute de temps en temps, le souffle est court, et pourtant toujours justement placé. On s’accroche à cette fragilité, à ce souffle qui ne rompt pas, happé par cette spirale magnifique et vertigineuse de mots. Un très bel instant suspendu, pour un très grand texte.  »
[Anne Vivier, Racines, 25 novembre 2008]
Traduction en italien par Flavio Polizzi, et publication aux éditions Angolo Manzoni en avril 2010.
La pièce est jouée au Théâtre Acorso, Italie, le 18 juillet 2010
dans une mise en scène de Michel Simonot
avec Flavio Polizzi, musique Franck Vigroux
Traduction en allemand de Kristin Schulz.
Sélectionné par le Festival Primeurs, festival d’écriture contemporaine, est un partenariat entre Le Carreau, scène nationale de Forbach, le Saarländisches Staatstheater, SR 2 KulturRadio et l’Institut d’études françaises de Sarrebruck. Lecture le 24 novembre 2012.
Mise en espace de Septembren par Corinna Harfouch.
Interprétation : Kathleen Morgeneyer, Corinna Harfouch et aussi sur scène Johannes Gwisdek, musicien, et le peintre Helge Leiberg, Deutsches Theater, Berlin, 6 décembre 2015 et 26 mars 2016.
Tournée en Allemagne 2017
— Bundestag, Parlement à Berlin, 14 février
— Schaubühne à Leipzig, 17 et 18 février 2017
Lecture par Philippe Malone, Ã La Chartreuse-Cnes de Villeneuve-les-Avignon, le 25 septembre 2008.
Lecture par Philippe Malone, au Théâtre de la mauvaise tête, Marvejols (48), le 14 novembre 2008.
Création dans une mise en scène de Michel Simonot, avec Jean-Marc Bourg (jeu) et Franck Vigroux (musique électro-acoustique) au Théâtre d’O, Montpellier, du 21 au 30 janvier 2009.
Représentations lors des Rencontres d’été de La Chartreuse, festival d’Avignon 2009, dans une mise en scène de Michel Simonot, avec Jean-Marc Bourg (jeu) et Franck Vigroux (musique électro-acoustique).
Reprise au Plessis théâtre, La Riche (37), 4 et 5 novembre 2009.
et au Centre Théo Argence, St Priest, le 9 février 2010.
Tournée de création dans une mise en scène de Michel Simonot, avec Jean-Marc Bourg (jeu) et Franck Vigroux (musique électro-acoustique). :
— Anis Gras (Paris-Arcueil), du 15 au 17 septembre 2010
— Théâtre du Saulcy, Metz, 19 octobre 2010
— Espace des Anges, Mende (48), 19 octobre 2011.
Lecture par Philippe Malone à L’Institut hongrois de Paris, lors du Salon du théâtre, le 22 mai 2009.
Lecture par Philippe Malone au Studio théâtre de Vitry (94) lors d’une journée "Chantier Malone" proposée par Gislaine Drahy, Théâtre narration, le 23 mai 2009.
Lecture au Taps-Scènes strasbourgeoises, Ã l’initiative de Gabriel de Richaud et Philippe Caillot, le 13 novembre 2009.
Lecture par Philippe Malone à Aneth, le 10 mars 2010.
Lecture par Philippe Malone au Théâtre de la Tête noire, Saran, lors de TEXT’AVRIL, le 31 mars 2010.
Lecture par Philippe Malone à la Scène conventionnée d’Auxerre (89) le 3 décembre 2010.
Création radiophonique, dans le cadre de l’Atelier de fiction de France Culture, dans une réalisation d’Alexandre Plank, musique et création sonore de Mickael Schaller, le 12 septembre 2012.
Septembres fait l’objet de deux communications universitaires :
— « Le drame sous l’œil de l’enfant d’Henrik Ibsen à Philippe Malone  » par Sandrine Le Pors, Journée d’étude « Figuration, dramatisation et point de vue de l’enfant dans les écritures théâtrales contemporaines  », université d’Artois, Arras, 20 novembre 2012.
— « Le théâtre ou la possibilité du poème : lyrisation du drame et espaces phonés dans Vivre dans le secret de Jon Fosse et Septembres de Philippe Malone, Colloque international « Poésie et théâtre  », Sorbonne, université Paris IV, Paris, 6 et 7 décembre 2012
Performances textes-musiques avec l’auteur et le musicien Franck Vigroux à l’occasion du Festival MusiqueMots (et + si affinités) 2016 proposé par Le Vent des signes, Toulouse, le 10 décembre 2016.
Mise en voix par Amélie Osmond (Ecole Auvray-Nauroy) dans le cadre de la 6e édition du Festival de l’Astre, le 16 mai 2019.