Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.
Première année
fin de l’été
LES QUATRE
ON EST TOUS LES QUATRE / Tous les quatre ensemble / VIEILLE VIEUX FILLE FILS / On est soudés / ON S’EN SORT PAS / Tous les quatre on s’en sort pas / Ensemble on s’en sort pas / J’ai un diplôme de secrétaire / FILLE / En famille on s’en sort pas / Ça n’a pas été reconnu comme accident du travail / VIEUX / Avant je faisais des ménages / VIEILLE / ON EST SOLIDAIRES / J’ai pris des heures en plus au garage / FILS / Tous les quatre sous le même toit / On sort pas on est enfermés tout le temps / Mon dos c’est du verre / LIÉS / Il travaille tout le temps / On a beaucoup d’entraide c’est vrai / Tous les quatre ensemble / LA MUTUALITÉ / Ça suffit pas / Ça fait deux ans que je cherche / Ça suffit pas / On est les doigts d’une seule main / Il ne doit plus porter / ON S’EN SORT PAS / Elle n’a pas le permis / Il travaille pour quatre / C’était un accident du travail / QUAND L’UN EST DANS LE BESOIN L’AUTRE VA L’AIDER / Il travaille tout le temps / Je l’accompagnerai / 900 euros par mois c’est pas assez / J’ai mon diplôme de secrétaire / Je peux plus porter mais je peux conduire / On a beaucoup d’entraide mais ça suffit pas / Elle a pris encore huit kilos cette année / On n’a pas de contact / Chips Cacahuètes / On fait tout ensemble / Tout ce qui est bon marché / Tous les quatre ensemble / On est isolés / Ça leur plaît pas que je sois grosse pour garder les enfants / On vit pas dans un monde où y aurait rien à porter / Trop vieille pour les ménages / À qui ça plairait / Douze euros de l’heure / lls en ont profité pour me COMPRESSER / ON S’EN SORT PAS / Un dos transparent comme du verre / Trop de jeunes sur le marché / On a mangé le licenciement en même pas deux ans / Si on était pas ensemble on n’y arriverait pas / TOUS LES QUATRE ENSEMBLE SOUDÉS / Si l’un est dans le besoin l’autre l’aide / ET VICE et VERSA / PIEDS ET POINGS LIÉS / ÇA PLAÃŽT À PERSONNE
Automne
Vieux -Vieille
Je suis d’une tradition ouvrière / J’ai la fierté du travail
bien fait La dignité du Bleu de travail / Je suis d’une
tradition rebelle / T’as pas bientôt fini / Laisse-moi
tranquille / On a rangé la vaisselle dans la machine
Débarrassé la table / Le dimanche après le déjeuner
Je serre les dents / Je crie en dedans / Ma bitte est dure
et mon dos fêlé fissuré / Je suis fatigué-e / Tu ne vas
pas remettre le couvert / Chaque dimanche / Gel des
négociations / La machine marche toute seule / Le
machin pendouille / Le processus est irréversible / Sur
le canapé / Laisse-moi dormir / Faudrait appeler le
vitrier Double vitrage Verre sécurisé En cas d’effraction
/ Mais qu’est-ce que tu racontes Y a plus rien à voler
Laisse-moi ma place / Je suis crevé-e / Qu’est-ce qui
nous reste / Un machin sans machine / On ferme les
portes de l’usine / On s’en va le dos le coeur courbés /
Vider son sac / De bon ouvrier / Traire sa dignité /
Comme peuvent les vieux / Seuls à l’étable / TOUS
SEULS À L’ÉTABLE
Voix enregistrée
(embauche Vieille)
Nous réservons les pleins temps aux personnes
comme vous aux personnes qui ne trouvent pas
d’embauche ailleurs Nous leur donnons la priorité
Vous faites partie de la tranche d’âge qui nous sollicite
le plus Nous avons pléthore de demandes et nous y
répondons le mieux possible C’est ça C’est la discrimination
positive Nous en sommes très fiers Il y a une
deuxième vie après la retraite Nous avons besoin
de personnes disponibles à qui le travail ne fait pas
peur C’est une bonne politique Une politique de
l’excellence Les jeunes peuvent trouver un travail complémentaire
Les personnes comme vous ne peuvent
plus Les jeunes méritent mieux comme travail Nous
leur offrons la possibilité d’avoir un autre emploi plus
gratifiant Nous vous offrons une deuxième chance
Il n’y a plus d’emploi stable En vieillissant l’emploi est
encore moins stable C’est une façon de demeurer
active et en forme physiquement Votre mari conduit
Vous vous arrangerez entre vous Entre vous quatre
Si vous voulez Nous ne voulons pas le savoir C’est
la politique de la maison C’est une bonne politique
Vous commencerez lundi Bienvenue chère madame
« Une pièce cruelle et très actuelle, construite sur une polyphonie subtile qui peu à peu prend du recul avec un certain réalisme social pour s’enrichir d’une autre langue comme en un rêve de voyage et de nouvelle existence. »
[Gilles Boulan, comité de lecture du Panta Théâtre, mars 2013]
« (…) Claudine Galea nous livre là une matière textuelle très dense et ouverte. Qui laisse beaucoup de place à ceux qui vont la mettre en bouche, avec un travail quasi musical, deux scènes pouvant légèrement se superposées par exemple.
Et toute une distribution à faire. Les répliques, séparées par un slash, ne sont pas distribuées.
La langue est obsessionnelle en effet. Il n’y a aucun signe de ponctuation, comme s’il n’y avait aucune possibilité de respiration. (…)
C’est une très belle partition, une polyphonie cruelle qui raconte bien une réalité du monde du travail. Une pièce qui donne tout de suite envie de la tester à voix haute. »
[Laurence Cazaux, Le Matricule des Anges, n°143, mai 2013]
" Les metteurs en scène accompagnés par le Collectif 7 nous livre ici une œuvre totale d’une force poétique incontestable, redoublée par la beauté et la fragilité des images scéniques et par le sacrifice des comédiens à cette souffrance heureuse que ce monde du travail pourrait leur infliger.
C’est au fil des saisons et au cours des tableaux successifs que leurs mornes existences basculent peu à peu dans une épopée au registre définitif, brisé et fracassé.
La pièce nous plonge dans cette splendeur de l’humain, dans sa capacité à l’entraide et à la compassion en nous montrant les pièges et les failles d’une société incapable de concourir au bonheur de ses citoyens et qui ne peut placer le travailleur que dans le fantasme toujours brandi et renouvelé d’une vie meilleure, en travaillant toujours plus et en servant avec une loyauté asservie les désirs de la société de consommation.
[Raphaël Baptiste, L’Alchimie du verbe, 2 décembre 2016]
Traduction en allemand par Gundula Schiffer, lauréate du Goethe Insitut 2014 (Transfert théâtral).
Mise en lecture dirigée par Michel Didym, avec Thomas Blanchard, Anne Benoit, Daniel Martin, Julie Pilod, Mousson d’été, 25 août 2013.
Cette lecture est diffusée sur France Culture le 15 octobre 2013.
Création par le Collectif7, dans une mise en scène de Gilles Chabrier et Muriel Coadou avec Estelle Clément-Béalem, Rémi Rauzier en alternance avec Gilles Chabrier, Nathalie Ortega, Arthur Vandepoel, Théâtre du Parc/Andrézieux-Bouthéon (42), le 21 octobre 2016.
Création 2016-2017
— Théâtre de Vénissieux (69), 2 décembre
— Comédie de Saint-Etienne (42), du 14 au 18 février 2017
— Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine (94), du 28 février au 4 mars
— L’ECLA Ã Saint-Vallier (71), du 16 au 17 mars
— Théâtre de la Tête Noire à Saran (45) le 30 mars
— Théâtre de l’Iris à Villeurbanne (69), du 4 au 8 avril