Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.
Début
ses mains
ses mains oh oui c’était ses mains la chaleur de ses mains et son sourire il marchait devant moi à la sortie du parc le kiosque la vaste palmeraie je le suivais il l’a senti là -bas on ne peut pas se tenir par la main comme ça pas dans les rues dans un recoin nous nous sommes caressés nos mains et tu m’as dit Mais quelle coïncidence avec un grand sourire un sourire doux nous avons ri d’un frémissement commun il faisait chaud oui tellement chaud la couleur sur les murs ces portes bleues ces chants lointains les enfants sautent du haut des ponts dans les rivières ils vendent des fruits des grosses pastèques ou des melons au bord des routes le vol à pic des sternes la joie dans le vent là -bas je l’ai aimé j’allais vers lui le lendemain les jours d’après je le suivais je courais dans les rues je l’ai rejoint partout nous marchions vers la plage la blancheur sur les dunes ses traces de pas dans le sable j’y jouais à y glisser les miens nous nous baignions on entrait dans la mer on se jetait dans les rouleaux comme les enfants nous nous serrions nos mains oh oui ses mains il les tenait sous l’eau nos yeux fermés et il cherchait mes lèvres il m’embrassait ses mains oh oui c’était ses mains
rencontre
tu la rencontres dans la rue sur les boulevards les avenues un parc un bar une discothèque ou sur ton lieu de travail et tu la reconnais immédiatement à quel geste à quel détail tu ne le sais pas mais cela irrigue ta peau tu le ressens ta peau ne peut pas mentir ni se tromper la peau ces mains oh oui ces mains ces pupilles qui pétillent cette sensation d’un déjà -vu déjà -vécu tu lui offres des fleurs ça court en toi quand tu traverses la place pour la rejoindre tu ris intérieurement les autres forcément le voient tu penses que cela se voit oui c’est sa façon de marcher de se tenir sa manière de parler tu ne te l’expliques pas comment c’est né tu penses C’est elle elle dit C’est lui et tu se sens si libre et si heureux les années avec elle auprès de lui l’amour d’une vie
je t’aime
ces lèvres qui disent Je t’aime [et puis elles osent le demander] à chaque Je t’aime elles osent le demander Et toi ?
parle-moi
je ne savais pas ce qui se passait le soir où je t’ai vu qu’est-ce qui m’attrape et me rattrape comme ça comme si je ne me connaissais pas pourquoi je suis si amoureuse comme ça si amoureuse de toi le soir où je t’ai vu tu réveillas une part en moi que je ne soupçonnais pas il me dévoile tout ce que tu as toujours recherché et voulu taire à l’intérieur de toi tout ce que j’ai toujours recherché et voulu taire à l’intérieur de moi ? je te dévoile tu me dévoiles c’est si énigmatique pour moi d’aller vers toi pourquoi je suis si amoureuse comme ça si amoureuse de toi j’ai vu ton dos j’ai vu tes jambes ’elle je la veux’ je me suis dit ça je t’ai voulue tu m’as voulue je t’ai voulu pareil et tu marchais d’une telle façon mais parle-moi ne t’arrête pas mais parle-moi regarde-moi ne t’arrête pas de me parler
Ce livre s’est vu décerné Les Honneurs 2019 de la Cause Littéraire dans le domaine du théâtre.
Ces distinctions sont décernées par l’équipe de rédaction de la revue. Elles récompensent les 9 meilleurs livres de l’année 2019 parmi les livres recensés par nos rédacteurs et rédactrices.
Coup de cœur 2019 de la revue Théâtre(s), magazine de la vie théâtrale.
« David Léon, lui, fait entendre une suite fragmentaire des états amoureux (chaque page correspond avec son titre, à un moment, à un lieu, à un état de l’amour) : son écriture fait art des corps, du désir, des scènes érotiques et des voix des amants.
Le titre du livre plonge la lectrice, le lecteur, dans les songeries de textes qu’elle a lus. (…)
La pièce regroupe des « micro-scènes » de théâtre, qui sont autant de photographies poétiques.
David Léon a organisé son livre en quatre grandes parties, elles-mêmes subdivisées en sous-parties autour des élans puissants de l’amour, chaque fois repris 3 fois, au centre de la page : Joie (p.16), Désir (p.24), Amour (p.29), précédés de Voyage. Il semble donner ainsi une architecture musicale en crescendo à son texte. (…)
Le texte met en œuvre en outre une prose-parole qui se défait des marques de ponctuation qui, d’une certaine façon, fonctionne comme une grammaire, des coupures, des pauses, des délimitations au cœur du langage. Les mots simplement en eux-mêmes.
Cette spontanéité par ailleurs n’ignore pas la fragilité sentimentale. Les mains qui se sont trouvées peuvent se séparer à jamais mais toujours dans la beauté du verbe poétique. »
[Marie du Crest, La Cause littéraire, 9 septembre 2019]
« David Léon dans la fantaisie sauvage de son nouveau texte parvient à dépasser ce qui habituellement dans la poésie incarne l’amour : les mots ne sont ici ni le flux d’une promesse ni le reflet d’une turbulence ; plus encore ils ne sont pas des échappatoires pour faire comme si l’amour pouvait inventer un monde, nous emmener ailleurs.
Peut-être et surtout les mots ne sont pas crus comme pour nous faire croire que l’amour serait quelque chose de physique et encore moins mystiques comme pour nous amener à considérer que l’amour serait quelque chose d’insaisissable ou de furieusement passager. D’amours évoque des amours plurielles qui se conjuguent à travers différentes voix : une voix féminine, une voix masculine et une sorte de présence irritante.
Irritante parce qu’elle délaye de la sensualité et de l’orage, irritante car elle raconte ce qu’il y a entre la pensée et le corps (…)
Ce nouveau texte de David Léon dans sa construction évoque précisément une relation amoureuse qui se construit dans un espace autre que celui que nous pensons connaître, un espace où l’on sent que la peur si étouffante du manque nous accable et que l’on se raccroche [tant que l’on nous le permet] à tous ces « moments simples » (p. 32) qui font de l’amour une rassurante explosion. (…)
En fait, ce qui est puissant dans ce texte hors-norme, c’est la façon dont il parvient à nous rentrer dans la peau, à infuser en nous comme une sorte de chaleur (expression employée p. 23), celle-là qui nous fait revivre toujours cette joie secrète, cette palpitation de la rencontre amoureuse, cet ébranlement de tous nos sens qui peuvent s’effondrer à la moindre contrariété, au moindre empêchement, et puis toujours cette pudeur, ce corps qui nous empêche pleinement de nous abandonner, de nous offrir. »
[Raf, L’Alchimie du verbe, 21 septembre 2019]
Mise en voix avec David Léon et Marie Trezanini, chant et composition musicale, à la Maison de la poésie Jean Joubert, Montpellier, le 11 octobre 2019.
Lecture par Filippo de Dominicis et Estelle Richir, la Menuiserie, Rodez (12),le 1re mars 2021.
Lecture-Mise en voix par le cercle de lecteurs Les Arpenteurs, porté par Philippe Labaune et Leïla Brahimi, au Lieu-Dit, Claveisolles (69), le 28 janvier 2023.
Sieste sonore ou lecture au casque par Béla Czuppon, Aurélie Turlet et François Ceccaldi (Magma collectif) dans le cadre du Festival Les Nouveaux Horizons du Texte, créé par La Baignoire, lieu des écritures contemporaines, le 14 mai 2023.
Cette sieste sonore a été enregistrée en studio avec trois comédiens, Hélène de Bissy, Béla Czuppon, Aurélie Turlet et un musicien, François Ceccaldi (CECCALopen.spotify.com), partenariait Magma collectif et La Baignoire.