Éditions Espaces 34

Théâtre contemporain

Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.

Extrait du texte

Extrait, début

Une femme

Sois puissante.

Mets tes dents du fond devant et mord le monde profondément.

Sois puissante.

Sois cruelle.

Ne laisse aucune seconde s’écouler sans la marquer de ta cruauté.

C’est cela, déforme les horloges de ton esprit violet. Il faut que le temps face à toi devienne une merde de poulet.

Chante.

Arrache.

Arrache.

Chante avec une légèreté irréelle afin que l’on voie ta lame tranchante.

Arrache.

Coupe Coupe.

Soulève le sol, retourne le sol, donne au sol une leçon de guerre, plante des champs de plaintes dans ce petit prétentieux de sol.

Etouffe le sol dans la terre grasse de ses obus, sois puissante.

Les couilles des femmes, les vagins des hommes, mélange mélange.

Ne laisse personne manquer de barbarie en ta présence.

Fais en sorte qu’on te haïsse immédiatement, ne laisse pas passer une seconde sans te rappeler à la mémoire infecte des choses.

Toute bonté qui t’échoirait serait délirante, par toute bonté portée sur ton nom adviendrait la folie et la honte.

Coupe Coupe Tranche.

Ne laisse aucune chance à quiconque de croire autre chose que ses pauvres yeux rougis.

Ne laisse pas passer une seconde sans que la suivante dégouline.

Putain ! Qu’on en finisse avec les horloges ! Chie dedans, étouffe-les, chie, étouffe, étouffe !
Envoie ces petites embarcations sur les rives de ton anus et engloutit.
Chiasse !

Sois puissante et atroce. Chiasse !

Fais œuvre d’art de ta haine.
L’art, enfant de l’atrocité, la graine.
L’art atroce…Tu entends la musique ?...Comme ça sonne ?
C’est beau, deux mots qui se trouvent, deux mâchoires.
L’art enfant de l’atrocité elle-même enfance de l’art.
On dirait un collier de crânes qui s’enfilent.
Tu entends comme ça sonne ?

Chaque matin tu crois être parvenue à la perfection car tes draps sont écarlates de transpiration, mais il reste tant à faire jusqu’au soir, tu le sais, tu veux te coucher sur la couleur rouge et te lever sur la noire.

Une violence si parfaite que le sang coulera noir ou qu’il se solidifiera à la sortie du cou, stupéfait.
Du boudin.
Tu veux étonner le sang lui-même. L’emmener dans une réalité chimiquement supérieure.
C’est beaucoup demander ?
Tu t’obliges au service de l’étonnement et ça n’a pas de prix.
Tu veux l’arc-en-ciel noir.
L’enjambement parfait.
C’est beaucoup demander ?

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