Éditions Espaces 34

Hors cadre

L’espace littéraire se transforme. Les écritures d’aujourd’hui demandent à être accueillies au-delà des zones définies par des termes qui enferment. L’important n’est pas l’identification catégorielle mais la pulsion qui préside à la langue et à la pensée et qui donne à la littérature ses multiples formes. Cette collection est ce lieu pour des voix, des fictions qui appellent la parole et le corps. Un trouble dans les genres, des forces en mouvement, du désir, de l’audace, de l’invention.

Extrait du texte

Pages 24 à 28

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L’eau s’échappe des poumons
éclate en bulles de salive contre la surface

pas encore une note
juste la mue d’une expiration
en silence

parole amputée

le passé prend la forme d’une bouche
qui se ferme

Narcose

— —

Enregistrez

Le cri
achevé
pour l’instant

nous contenons nos forces

— —

Enregistrez

ce que l’on croise ensuite
peu l’ont vu réellement

maintenant
nous habitons la nuit

Vous comprenez ?

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*

Tu te tiens sur le rivage et tu parles avec le ressac. Devant toi les ruines d’un siècle. Dans ton dos l’orage brûlant des bombes incendiaires. Des filets de sang s’écoulent des torses d’hôpitaux. Les missiles les ont éventrés. Les soldats ont achevé chaque gravât. Un par un. Tu es Anonyme. La chienne errante au ventre empli de plomb. Un cri entre les mâchoires. L’écho muet d’une vie transformée en latrine. Sur ta peau VEUILLEZ LAISSER L’ENDROIT AUSSI PROPRE QUE VOUS L’AVEZ TROUVE. Tu es Anonyme et n’as de cesse de nettoyer ton visage. Pour l’avenir. Tu ramènes entre tes crocs la carcasse métallique d’un soulèvement. Le ciel s’est éteint sur toi, le soleil ne brûle plus qu’à l’Ouest. Tu es Anonyme et tu amasses en toi des clous à replanter. Ils pousseront mieux sous un soleil plus froid. Adossée au désert tu contemples le désert. Des images de prospérité tatouées sous la paupière. Flashs incendiaires sauce publicitaire. Aveuglée. Tu es Anonyme et ne possède pas encore tes propres paupières. Ombre lumière enfer paradis. Chaque clignement d’œil un écartèlement. Tu es Anonyme, à l’est de toute peur. L’avorton expirée par les bombes. Tu apportes la preuve de leur amortissement et le récépissé du service-bien-fait. Tu marches depuis trois mois pour ramener le plomb. En consigne. Tu es Anonyme apatride et tu reviens de l’enfer. Encore vierge, déjà squelette. Ils n’osent pas violer les os. Tu es Anonyme et tu viens renégocier le contrat. Non.

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