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Tanino, Kurô

The Dark Master

2023

mercredi 21 juin 2023

Un jeune randonneur entre dans un modeste restaurant d’Osaka.

Le propriétaire, aussi excentrique qu’asocial, lui propose de prendre sa place en tant que chef : il lui suffira de suivre ses indications par une oreillette et de servir les clients dans la salle tandis que lui, le chef, restera à l’étage, reclus, voyant sans être vu.

Les clients reviennent dont des habitués et un riche entrepreneur chinois à l’affût de bonnes affaires.

Se mettent ainsi en place incidemment des relations de domination et de manipulation – mais aussi de transmission. Au-delà, Kurô Tanino dénonce aussi une société d’hypersurveillance, rongée par la corruption.

Extrait, milieu partie 2

Le client, un jeune aspirant humoriste, entre dans le restaurant.

LE JEUNE, fin prêt – Bienvenue ! (À l’instant même où la porte s’ouvre.)

LE PATRON – (Argh !)

L’HUMORISTE – Ouah ! (Surpris par cet accueil.) Euh… Je peux ?

LE JEUNE – Oh, je vous en prie. Désolé. Par ici…

LE PATRON – (Sers-lui de l’eau.)

L’humoriste s’assied et regarde le menu.

L’HUMORISTE – Vous avez des suggestions ?

LE JEUNE – Pour le moment, le menu croquettes et le steak.

LE PATRON – (Comment ça, « pour le moment » ?)

L’HUMORISTE – Hum, j’en ai déjà mangé hier, des croquettes… Et le steak, c’est pas donné… Bon, une omelette au riz, s’il vous plaît.

LE JEUNE, hésitant – Oh… Une omelette au riz…

LE PATRON – (Eh bien ? Elle est partie où, ta belle confiance ?)

L’HUMORISTE – Ce n’est pas possible ?

LE PATRON – (« Mais si ! »)

LE JEUNE – Mais si ! Veuillez juste patienter un instant.

Le jeune regagne le centre de la cuisine et se tourne vers le micro caché.

LE PATRON – (Celle que tu appelais hier la « meilleure omelette du Japon », eh bien voilà, aujourd’hui c’est à toi de la faire !)

LE JEUNE – C’est mort…

LE PATRON – (Quoi, tu m’fais pas confiance ?)

LE JEUNE – C’est mort de chez mort…

LE PATRON – (Écoute-moi : pour l’omelette, le seul truc, c’est d’être rapide. Alors accroche-toi bien.)

Le jeune acquiesce faiblement.

LE PATRON – (Tu commences par prendre la deuxième poêle en partant de la gauche. Prends aussi la petite, à côté. Bien, fais chauffer la grande à feu vif.)

Le jeune s’affaire, paniqué.

LE PATRON – (Tu vois le bol en inox à côté du cuiseur à riz ? Remplis-le de riz. Approche ta main à dix centimètres de la poêle et si en deux secondes tu sens la chaleur, tu sors le beurre en haut du frigo et t’en mets une noix. Puis tu balances le poulet haché. Quand la viande commence à dégager de la graisse, tu ajoutes l’oignon, les carottes, un peu de céleri, et tu fais revenir.)

LE JEUNE, au micro – Vous pouvez répéter ?

LE PATRON – (Tu ajoutes l’oignon, les carottes, un peu de céleri, et tu fais revenir.)

LE JEUNE – Bien.

LE PATRON – (Prends la spatule en bois, juste devant toi. À côté, t’as le sel et le poivre. Remue avec la spatule dans ta main droite, et balance trois pincées de sel, trois pincées de poivre.)

LE JEUNE, à voix basse – Un, deux, trois ; un deux, trois…

LE PATRON – (Continue à faire cuire jusqu’à ce que je te dise stop.)

L’HUMORISTE – Je peux utiliser vos toilettes ?

Le jeune, affolé, désigne du menton les toilettes.

LE PATRON – (Indique-lui clairement.)

LE JEUNE – Pardon, c’est ici, là, là…

L’HUMORISTE – Ah, d’accord.

LE PATRON – (Ajoute le ketchup.)

Il ajoute le ketchup.

LE PATRON – (Ça devrait être bon. Maintenant, ajoute le riz.)

LE JEUNE – Voilà.

LE PATRON – (Ensuite, tu mélanges sans t’arrêter.)

Le jeune humoriste sort des toilettes. En allumant la lumière pour se laver les mains, il remarque l’affiche de l’entraîneur Nagashima accrochée au mur.

L’HUMORISTE – Ouah, ça me rappelle des souvenirs. Il est toujours vivant ?

LE PATRON – (Je vais te buter !)

LE JEUNE – Hein ? J’ai fait une bêtise ?

L’HUMORISTE – On le surnommait bien « Mister », n’est-ce pas ?

LE PATRON – (Je vais le buter. L’empoisonner.)

LE JEUNE – Allons, allons…

L’HUMORISTE, retournant à son siège – Je vis dans le quartier, mais je n’avais jamais remarqué votre restaurant.

LE PATRON – (Parfait, j’irai te buter.)

L’HUMORISTE – J’habite à côté de la confiserie, juste là. Vous voyez ?

LE PATRON – (C’est parfait.)

LE JEUNE – Allons, allons…

L’HUMORISTE – L’immeuble tout crade qui ressemble à un chenil.

LE PATRON – (Parfait.)

L’HUMORISTE – Vous ne voyez pas ?

LE PATRON – (Hé, ho ! C’est parfait, je te dis, arrête la cuisson !)

LE JEUNE – Ah, ça ! D’accord, d’accord…

L’HUMORISTE – Ah, vous voyez où c’est ?

LE JEUNE – Hein ?

L’HUMORISTE – Le loyer est vraiment pas cher, mais les murs sont fins et j’entends la télé du voisin à longueur de journée. Ça doit être un vieux qui vit seul. Au fait, la vieille dame qui tient la confiserie, elle est sénile, non ?

LE PATRON – (Ensuite, tu sors les œufs du frigo. Il peut pas la fermer, lui ?)

LE JEUNE – C’est clair.

L’HUMORISTE – Ah, vous pensez aussi ! L’autre jour, elle m’a demandé 500 yens pour cinq bonbons. J’étais bien embêté.

LE JEUNE – Cinq ?

L’HUMORISTE – Mais oui !

LE JEUNE – Cinq, cinq…

Le jeune s’apprête à sortir cinq œufs.

LE PATRON – (Mais non, pourquoi tu veux utiliser cinq œufs ? C’est trois.)

LE JEUNE – Ah, trois.

L’HUMORISTE – Non, cinq.

LE PATRON – (Trois, je te dis.)

LE JEUNE, à l’humoriste – Trois ou cinq ? Cinq ou trois ? Cinq ?

L’HUMORISTE – Cinq, je vous dis. Ça fait cher, non ?

LE PATRON – (Trois, j’ai dit trois ! Stop, stop !)

LE JEUNE – Hein ? Cinq ?

Le jeune, perdu, est en train de paniquer.

LE PATRON – (Hé ! Stop, stop ! Dis-lui de la fermer un moment.)

LE JEUNE, comme pour lui-même – Stop, stop…

Le jeune reprend son souffle.

LE JEUNE – Euh…

L’HUMORISTE – Oui ?

LE JEUNE – Excusez-moi, j’essaye de me concentrer… Vous pourriez peut-être lire un manga ?

L’HUMORISTE – Oh, je vous gêne ? Désolé…

L’humoriste commence à tapoter sur son smartphone.

LE PATRON – (C’est quoi, ce mec ? Bon, t’es prêt ? Je répète, trois œufs. Tu les casses dans le bol et tu mélanges avec les baguettes. Ne les fais pas mousser. Chauffe déjà la poêle.)

Le jeune acquiesce, puis casse dans le bol trois œufs, qu’il mélange avec les baguettes.

LE PATRON – (Bon, mets de l’huile dans la petite poêle et fous tous les œufs d’un coup. Mélange, mélange ! Voilà. Un peu plus. Soulève les extrémités de l’omelette et replie. Fais chauffer un peu et retourne-la. T’es pas doué, toi… Grouille, ça va durcir.)

Il essaye désespérément de retourner l’omelette, en vain.

LE PATRON – (Allez, allez, allez ! Ah…)

Le jeune parvient enfin à retourner l’omelette ; de la fumée noire s’élève du plat. Il pose l’omelette sur le riz au poulet, mais c’est un disque tout noir qui s’étale sur l’assiette.

LE PATRON – (Badigeonne de sauce demi-glace pour cacher ça.)

LE JEUNE – Et voici.

L’HUMORISTE – Merci. (Il avale une bouchée.) Hmm, c’est bon !

LE JEUNE – Sérieux ?

L’HUMORISTE – Hein ? Ben oui…

LE JEUNE – Eh bien, merci beaucoup.

LE PATRON – (Bon, maintenant, la plonge.)

Le jeune fait la vaisselle joyeusement. Il est tellement content qu’il danse malgré lui.

LE JEUNE, au micro – Patron ? Il a dit que c’était bon…

LE PATRON – (T’es vraiment un gai luron, toi…)

L’HUMORISTE – Vous êtes un marrant, vous.

LE JEUNE – Hein ?

L’HUMORISTE – J’aime bien vos petits mouvements, là.

LE JEUNE – Ah, ah ouais ?

LE PATRON – (Arrête ça tout de suite !)

L’HUMORISTE – Moi, ce que je veux faire, dans la vie, c’est comédien.

LE JEUNE – Hmm ?

L’HUMORISTE – Humoriste, plus précisément.

LE JEUNE – Ah, oui ?

LE PATRON – (Voilà, maintenant il tape la discute ! Bah, ça t’entraînera pour l’accueil… Dis-lui un truc du genre : « Ah oui, c’est bien ! »)

L’HUMORISTE – À la base, je ne suis pas d’Ôsaka, mais bon, comme c’est la ville des humoristes, je suis venu m’installer là. C’est pour ça que j’ai pas trop l’accent local, vous voyez ?

LE JEUNE – Ah oui, c’est bien !

LE PATRON – (T’es pas doué, toi.)

L’HUMORISTE – Merci. Ça fait trois ans que je suis ici, mais j’ai du mal à percer. Je forme un duo avec un mec d’Ôsaka. Je l’amènerai, la prochaine fois.

LE JEUNE – Euh, d’accord.

LE PATRON – (Demande-lui s’il a un petit boulot.)

LE JEUNE – Vous avez un petit boulot ?

L’HUMORISTE – Un petit boulot ? Bien sûr ! J’en ai même deux, enfin non, trois. Y en a un que je ne fais qu’une fois toutes les deux semaines. Mais je bosse tous les jours. Faut bien payer le loyer, et puis on a besoin d’argent pour vivre…

LE PATRON – (Quel déchet… C’est quoi, son job ?)

LE JEUNE – Vous faites quoi, comme job ?

L’HUMORISTE – Serveur dans un bar, et faux profil pour un site de rencontre.

LE JEUNE – Ça consiste en quoi ?

L’HUMORISTE – Le faux profil ?

LE JEUNE – Oui.

L’HUMORISTE – Eh bien, je tape des messages en me faisant passer pour une jeune femme. Vous n’utilisez pas ce genre d’appli ? Y en a plein, maintenant.

LE JEUNE – Non, jamais.

L’HUMORISTE – Vous savez, je m’en veux de mentir comme ça aux gens. Mais c’est drôle de découvrir ce qui excite ou refroidit les hommes. Les gens se font facilement avoir.

LE JEUNE – Ah bon ?

L’HUMORISTE – En plus, ça m’inspire pour mes sketchs. Je crois bien que je joue de mieux en mieux les filles. Même dans la vie de tous les jours, je manque parfois de sortir des expressions de nana, comme si je me féminisais petit à petit. Il me vient soudain des trucs du genre : « Hi hi, vous êtes si drôle ! »

LE JEUNE – Ah…

LE PATRON – (Quel déchet…)

L’HUMORISTE – Je suis comme vous, chef.

LE JEUNE – Comment ça ?

L’HUMORISTE – Votre seul allié, c’est votre couteau. Ou votre poêle, je sais pas. Bref… Moi, c’est le micro sur la scène. Même si je ne suis pas seul comme vous, puisque j’ai un partenaire. Deux hommes et un objet. Moi, mon partenaire et le micro. Ce triangle qu’on forme, c’est notre espace sacré. Si c’est pas la méga-classe, ça ?

LE PATRON – (C’est bon, il a fini ?)

LE JEUNE – Un partenaire… Oui…

LE PATRON – (Dis-lui de manger, qu’il se taise un peu.)

LE JEUNE – Euh, mangez tant que c’est chaud.

L’HUMORISTE – Ah, oui.

LE PATRON – (La plonge.)

Le jeune se remet à la vaisselle.


Extrait de presse

« Une fable culinaire donc et envoûtante où se joue une étonnante histoire de manipulation et d’émancipation. (…)

Le protagoniste de la pièce y entre comme par hasard et va s’y installer durablement. Paumé et emprunté, ce jeune homme n’est pas du coin. Il débarque de Tokyo avec son grand sac sur le dos. Il n’a pas de travail et parcourt le pays sans but précis.

Il va faire une rencontre aussi étonnante que déterminante, celle d’un cuisinier, maître de l’omelette au riz – la meilleur du Japon –, un homme complexe, taciturne, peu avenant, las et désabusé qui lui impose de prendre sa place en guidant ses gestes au moyen d’une oreillette.

Le spectateur qui en possède une aussi entend les instructions souvent bougonnes du patron comme s’il était dans la tête du personnage, objet servile à l’observation voyeuriste de l’hôte reclus, mais promis à une importante transformation.

Homme de théâtre complet et ancien psychologue, Kurô Tanino veut ainsi entrer dans les âmes, les abysses, de l’être, révéler ses inquiétudes, ses aspirations, ses névroses, ses désirs.

Aussi invraisemblable que paraît son canevas inspiré d’un court manga de Haruki Izumi, la pièce ménage des moments de pure beauté, de drôlerie, d’émotion, de délicatesse et d’intensité.

Son personnage, très bien campé, est absolument attachant jusque dans ses maladresses et sa perte de contrôle. Amusé par l’idée, anxieux à la tâche, il s’exécute sans broncher et vit une initiation à la fois fascinante et dérangeante. (…)

Kurô Tanino parle aussi de la violence des mutations de son pays symbolisés par la construction d’un énorme bâtiment détenu par un promoteur chinois. La disparition de la culture et la dépossession du patrimoine sont des thèmes qui le préoccupent et qu’il exploite dans plusieurs de ses spectacles.

Tanino est un conteur qui fait culminer profondeur humaine et sociale, étrangeté et réalité. Son théâtre stimule aussi bien les sens que l’esprit. »

[Christophe Candoni, Scèneweb, septembre 2018]


« Kurô Tanino réussit à nous transporter sur scène en un clin d’œil ! Tout y est ! Le décor, les odeurs, les matières, l’atmosphère…

Cette auberge bien modeste, voire crasseuse, qui semble d’ailleurs de prime abord fermée, est devenue le décor parfait pour ce huis-clos des plus perturbants et des plus envoûtants…

Le duo époustouflant de réalisme tenus par le propriétaire et ce marcheur de passage fraîchement débarqué de Tôkyô, transmet à la fois une impression de gêne et de complicité. Comme si la confiance mutuelle s’était installée comme par magie.

À travers l’élève qui souhaite faire aussi bien que son Maître, Tanino fait intervenir des clients bien spécifiques qui dénoncent brillamment et subtilement la dépossession du patrimoine japonais, mais aussi ce rapport hiérarchique entre les êtres qui semble inéluctable et pourtant vain à l’élévation des Hommes.

Tanino est véritablement un virtuose dans l’art de rendre extraordinaires les situations les plus communes. Il parvient à s’infiltrer dans l’esprit de ses personnages et nous présente toujours des personnalités inoubliables.

On s’immisce alors dans leurs pensées, leurs secrets, leurs rêves, leurs aspirations, leurs hontes… La manipulation exercée dans cette pièce est totalement représentative du monde qui est le nôtre et du fonctionnement inhérent à notre société.

Cette pièce est un véritable bijou d’émotions. On passe par toutes les sensations possibles.

Ce huis-clos est bien plus qu’une pièce de théâtre, c’est une expérience exceptionnelle de lecture ! »

[Virginie, Lire et sortir, 6 juillet 2023]


« Après m’être délectée de : Avidya, l’auberge de l’obscurité, je n’avais qu’une hâte, découvrir une nouvelle œuvre de Kurô Tanino !

Quel talent bon sang ! C’est tout bonnement incroyable… Il réussit à nous transporter sur scène en un clin d’œil ! Tout y est ! le décor, les odeurs, les matières, l’atmosphère…

Cette auberge bien modeste, voire crasseuse, qui semble d’ailleurs de prime abord fermée, est devenue le décor parfait pour ce huis-clos des plus perturbants et des plus envoûtants… le duo époustouflant de réalisme tenus par le propriétaire et ce marcheur de passage fraîchement débarqué de Tôkyô, transmet à la fois une impression de gêne et de complicité. Comme si la confiance mutuelle s’était installée comme par magie.

À travers l’élève qui souhaite faire aussi bien que son Maître, Tanino fait intervenir des clients bien spécifiques qui dénoncent brillamment et subtilement la dépossession du patrimoine japonais, mais aussi ce rapport hiérarchique entre les êtres qui semble inéluctable et pourtant vain à l’élévation des Hommes.

Tanino est véritablement un virtuose dans l’art de rendre extraordinaires les situations les plus communes. Il parvient à s’infiltrer dans l’esprit de ses personnages et nous présente toujours des personnalités inoubliables. On s’immisce alors dans leurs pensées, leurs secrets, leurs rêves, leurs aspirations, leurs hontes… La manipulation exercée dans cette pièce est totalement représentative du monde qui est le nôtre et du fonctionnement inhérent à notre société.

Cette pièce est un véritable bijou d’émotions. On passe par toutes les sensations possibles. Ce huis-clos est bien plus qu’une pièce de théâtre, c’est une expérience exceptionnelle de lecture ! Une fois le livre refermé, je peux vous dire que vous resterez pourtant encore un sacré bout de temps dans cette auberge… »

[Babelio, 29 juillet 2023]


« Ce qui frappe dans cette pièce, c’est d’abord la coïncidence de son dispositif et de son propos. L’auteur, en effet, stipule que chaque spectateur sera équipé d’une oreillette et que les plats et recettes dont il est question, seront réalisés pour de vrai, dans un souci de diffuser leur odeur dans la salle.

L’un des deux personnages principaux (le jeune) se verra lui aussi muni de gré ou de force par le patron du restaurant d’un tel appareil. Le patron en son absence sur le plateau (le rez-de chaussée du restaurant) dictera, à la manière d’un souffleur de théâtre ou d’une régie de télévision, les gestes que le nouvel arrivant devra effectuer ainsi que les propos qu’il devra tenir face à la clientèle constituée d’hommes et de femmes, d’un humoriste, d’un Chinois.

La cuisine a sans doute quelque chose à dire sur le pouvoir. Les recettes sont linguistiquement impératives et supposent une répartition des actions entre le Chef, le Master, et ses exécutants. Elle suppose que le dire se fasse immédiatement faire.

Il y a peut-être là à considérer enfin la matière dramatique comme une théâtralité particulière fonctionnant comme celle qui met en relation le metteur en scène et ses comédiens, qui jouent selon ses propositions, ses commandements parfois. (…)

C’est tout le lieu en fait, qui est sous le contrôle des camé¬ras, des écrans, à la manière de la société actuelle. D’ailleurs à un moment, un écran dévoile des images de surveillance provenant du monde entier. (…)

Mais en vérité, le personnage du patron, qui finira par s’effacer, fait de son remplaçant, un prisonnier. »

[Marie du Crest, Le littéraire.com, 4 août 2023]


« Singulier et troublant, The Dark Master m’a entraîné dans les rêves inachevés de mon adolescence. Riche de didascalies précises et originales, cette pièce se déroule sous nos yeux à sa simple lecture.

Un texte à la fois simple et profond, comme on en entend chez Beckett, vernaculaire et fantastique comme on en lit chez Murakami.

Il nous enferme dans un petit restaurant qui ressemble à la petite cuisine où s’élaborent nos songes comme nos souvenirs : passé, présent et futur s’y entremêlent pour ne plus faire qu’un. »

[Babelio, 15 octobre 2023]


« La pièce est très drôle, mais le rire n’est pas la seule émotion qu’elle provoque. Le comique fleurte avec un côté un peu malsain qui semble prendre progressivement le pas. (…) Cela crée également un effet de suspens. Vers quoi vont évoluer ces différentes situations de plus en plus rocambolesques ? La fin est excellente.

En bref, Kutô Tanino nous fait passer par toutes les émotions, tout en maintenant l’humour jusqu’à la fin. »

[Babelio, 7 novembre 2023]


« Ce patron est un personnage irascible, grognon et autoritaire.

À cet ours déterminé, le petit jeune homme qui se cherche encore n’a pas grand-chose à opposer. Sa vie est un peu vide, et ce vide va être rapidement rempli !

Petit à petit, on apprend que le patron a mis en place un ingénieux système de caméras et de communication par oreillette qui lui permet de faire du jeune un cuisinier adroit et accueillant. Bien sûr, cette idée saugrenue et autoritaire provoque des protestations, mais on ne discute pas avec un tel homme ; on obéit.

Et comme le dispositif s’avère gratifiant, on finit par être heureux des compliments et fier de ses réussites. C’est un peu raide, comme enseignement, mais ça marche.

Cela donne lieu à des scènes très comiques et à des moments savoureux de tendresse bourrue. (…)

Parabole de la transmission, cette pièce demande une grande virtuosité (…)

Après « Avidya, l’Auberge de l’Obscurité » (précédemment chroniquée) voilà à nouveau, une œuvre d’une grande originalité. »

[Nicole Fack, TheatreActu, 27 mars 2024]

Vie du texte

Création en japonais surtitré dans une mise en scène de l’auteur au Festival d’automne de Paris, T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National, en 2018.

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