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Mougel, Magali

Penthy sur la bande

2016

mercredi 13 avril 2016

C’est une histoire qui se raconte les soirs de fête quand il y en a un qui a trop bu et que tout dérape. Les filles et les garçons porteraient des vêtements désuets, d’un autre temps. Au loin, s’élèverait une musique sublime, genre Blasmüsik, car il y a quelque chose de sublime dans la fanfare.
Ce serait l’été.
La fête aurait lieu là-bas au milieu de rien comme il est coutume pour faire la fête.
Mais ce n’est pas ce qui va se passer.

Il n’y aura plus que les traces d’une fête qui fut et qui ne sera plus jamais. D’une fête trouée, saccagée par des bâtes qui volent, des têtes qui claquent et un visage qui surgit soudain. Tu reconnais ton frère, tu reconnais ton fils, tu reconnais ton amant.

Et pendant ce temps, ailleurs, un homme est victime d’une battue organisée par des villageois, une amazone voit son sein perforé par la lance d’un ennemi, une adolescente boit de la bière dans une cave tandis qu’une autre découvre L’Éthique d’Alain Badiou : ce sont les décombres sur lesquels le chœur doit marcher pour énoncer cette histoire.


« C’est l’histoire d’une femme et d’un homme qui se sont voués une fidélité amoureuse et politique absolue. Elle pourrait se dérouler au milieu d’un boulevard d’Athènes, ou ici, ou sur une bande de terre comme celle de Gaza.

C’est l’histoire d’une trahison politique et amoureuse, entre un homme qui choisit de prendre les vêtements du clan contre lequel il s’est pourtant toujours battu, et une femme qui voit l’être aimé retourner les armes contre elle, puis celles et ceux de son clan. »

Magali Mougel

(…)

Il l’a regardée avancer sous le bruit des chiens, de ses chiens, qui se perdait dans sa tête, qui se perdait dans leur tête.
Il s’est mis à dire toujours ce qu’il disait.
« Ach Penthy, Penthy, Penthy, Liebe, tu me caches des choses, tu te caches des choses, tu as là quelque chose qui pend là au bas de ton manteau. Penthy, meine Liebe. Il ne faut pas toucher à ça. Il ne faut pas toucher à / »

Hecky meine Liebe toujours il fallait que tu dises ça.
À quoi tu t’attendais ?

Hallo Hecky, tu te souviens de moi ?
C’est Penthy. Je t’apporte et te livre ta lunch-box pendant que tu tires et abats de ton arme celles et ceux avec qui tu te battais il y a encore quelques mois contre ceux que tu as rejoint. Oui, c’est Penthy, celle que tu aimais, celle avec qui tu partageais les codes et convictions, celle aux côtés de qui tu militais, celle avec qui tu luttais depuis des années pour un peu plus d’acquis sociaux, pour un peu plus de droits sociaux, pour un peu plus d’égalité, pour un peu moins de répression.
Tu te souviens ?
Corps à corps
salive contre coccyx /
Excuse-moi de te déranger en plein travail. Je vois que tu es très occupé à dégoupiller bombes lacrymogènes et grenades assourdissantes, à jeter pavés et rochers sur tes anciens camarades de luttes, mais j’aurais aimé savoir si tu avais cinq minutes pour /

OU

Lieber ! Toi, ici, avec cette petite bandaison sous ce petit uniforme bleu-nuit ! Qu’elle a l’air douce et belle ! Puis-je me permettre d’y toucher mon amour, mon tendre amour qui me brûle et détruit la stabilité de mon monde ? Est-ce que ce petit mont qui est le mien, qui est tendre et vif comme une gazelle perdue au milieu des wagons, perdue au milieu de la bande qui longe le fleuve à moitié calciné rempli des corps déjà pourrissants de ceux que tu viens d’éteindre de ton souffle
pourrait venir se frotter à toi, mon beau soldat de l’armée ?

Hecky, Hecky, Lieber.

Elle est Penthy.
La petite guerrière
qui n’avait pas d’autre envie
que de profiter encore du dernier souffle chaud de cette haleine qui commençait déjà à s’éteindre sous le vent de sable qui allait le recouvrir pour lui faire comprendre certaines choses qui sont /

3

OXUS !
TIGRIS !
Ja good boys. Brave. Ja.
Ja Tigris !
Komm zu mir, komm mit mir !
Und mein Oxus !
Venez à moi !
Bouffez tout ce que vous pouvez bouffer, tout ce que vous pouvez trouver mes chiens, mes amours, mes gentils chiens.
Rognez-lui la face, rongez-lui les bas côtés.
Faites-en de la charpie pour les porcs.
Dépouillez-le de sa chair et goinfrez-vous mes amours, mes bébés, mes petits.
Bouffez-le à bras le corps, les dents dans le corps.
Plantez vos griffes et vos dents, aiguisez vos crocs et bouffez ce festin de chairs sanguinolentes.
Il n’y a que ça qu’il mérite !

Hecky.
L’abattre.
Il n’y a que ça qu’il méritait.

(…)


Distinction

Pièce lauréate de l’Aide à la Création du CNT (novembre 2014)

Le texte à l’étranger

La pièce est traduite en italien par Silvia Accardi.
Elle est mise en voix avec Viola Graziosi, Théâtre de Milan, le 9 mai 2018.

Création sous le titre Pentesilea, l’anima di una marionetta, dans une mise en scène de Renzo Martinelli, avec Viola Graziosi, au Théâtre I, du 8 au 18 février 2019.


Dans le cadre du programme « Tintas frescas » pour la diffusion du théâtre contemporain français en Argentine et du théâtre argentin en France, en partenariat avec l’Institut français d’Argentine, L’Ambassade de France, L’Alliance française et Dialogo franco argentino, la pièce est traduite en espagnol par Silvio Mattoni.

Une lecture est donnée au Théâtre National Cervantes à Buenos Aires (Argentine) le 4 mai 2019.

Penthy sobre la franja (Penthy sur la bande) est publié aux éditions Libros del Zorzal, Buenos Aires (Argentine), dans un volume conjoint avec The Lulu Projekt en août 2019.

Vie du texte

Dans le cadre de la Piste d’envol, Lecture au Théâtre du Rond-Point, dirigée par Magali Mougel, assistée de Quentin Bonnell avec Sarah Barrau, Léo Ferber, Hélène Gratet, Sylvie Jobert, Sophie Vaude, le 9 février 2016.


Lecture dirigée par Jean-François Matignon, compagnie Fraction, Théâtre La Manufacture, Festival d’Avignon, 12 juillet 2018.

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